La prostitution - Travail scolaire en licence 1

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Voici ce que France Prévention a travaillé avec des élèves en sociologie, niveau Licence 1 :

Votre avis sur la prostitution :

• Pensez-vous qu’il faille s’inquiéter de l’ampleur que prend ce phénomène ? Oui, il le faut toujours. La prostitution touche les femmes en premier. Elles sont tout de même la matrice. Et les jeunes femmes sont des victimes malléables auxquelles on impose des influences ou des expériences. Souvent, le jour vient où elles mettent un enfant au monde et où elles doivent l’éduquer.

• Considérez vous qu’un/une prostitué(e) n’est pas propriétaire de son corps ? La notion de propriété ne m’apparaît pas comme le véritable sujet de la prostitution. En tout cas, pas tout à fait comme on pourrait le comprendre. Rare sont les personnes se prostituant, qui ne comprennent pas que leur corps est à elles. En ce qui concerne la souffrance, l’apprentissage permet une forme de conscience de la propriété pour se débarrasser alors, tout être humain connaît la propriété de son corps. La prostitution, c’est l’idée que j’ai recueillie il y a plus de 15 années, impose comme une absence et une présence. Absence dans l’acte sexuel en exécutant une sorte de don au consommateur du corps pour qu’il y ait de l’argent en retour ou un bien vers l’autre, pour qu’il aille mieux. Ce qui impose l’interdit est la souffrance dans l’acte qui serait de l’ordre d’un viol et donc bien une dépossession et non une appartenance. Pour certains/es prostitués/es, l’acte sexuel est consenti car ils/elles le disent mais, ils/elles ne mettent pas dedans le ressenti qu’ils/elles séparent. A ce moment-là, il y a un homme ou une femme sans âme, enfermé/e dans un espace connu que par il/elle. Est-il conscient ? Pas vraiment, il est perçu comme existant mais pas conscient. Il est neutralisé ou éteint pour ne pas vivre la souffrance répétitive de la condition que le corps impose à l’intelligence sociale et personnelle.

Pour intégrer la notion de propriété, on installe les notions de valeurs et d’échelle dans les valeurs. L’éducation intervient dans cette compréhension mais aussi les habitudes dites culturelles. La prostitution propose une location. Il y a celle que l’on constate comme forcée et celle décidée. Le proxénète qui accompagne la prostitution est soit une tutelle que l’on nomme parfois « protecteur », soit un esclavagiste et ici, il y a dépossession du corps et de l’esprit ou plutôt de sa liberté accomplie. La femme que j’ai entendue sans jamais la rencontrer était une dame de plus de 60 ans. Elle s’était toujours prostitué et sa vie avait été comblé par l’argent de son travail qu’elle déclarait. Elle s’acquittait de la TVA, des charges sociales et des impôts comme tout le monde. Elle n’a jamais évoqué la maladie, ni la lassitude des actes. Elle a parlé de la violence de certains hommes et elle a évoqué son obligation à les maîtriser. Elle ne s’est jamais plaint de son travail, elle le trouvait pas mieux ni moins bien qu’un autre car elle ne savait pas faire autre chose. Son niveau d’éducation scolaire était nul, elle n’avait jamais été vraiment à l’école et elle était également seule au monde avec un enfant adulte. Là où son histoire m’a marquée est qu’elle n’avait jamais dit à son fils qu’elle se prostituait donc il l’ignorait. Mme Y avait monté un stratagème de bien-être et de confort financier. Personne ne pouvait se douter qu’elle manquait cruellement de clients. Ses passes se faisaient de plus en plus rares et cette dame se faisait payer parfois sur un tarif que le client réduisait après avoir eu la prestation. Elle recevait aussi des brimades et un chantage de plus en plus courant pour que l’acte soit gratuit car elle était vieille, lui disait-on. Les hommes la sollicitaient sur des « choses » qu’elle ne m’a jamais expliquées et qu’elle refusait. Ce qui aggravait son cas.

Elle a évoqué, à un moment, avoir faim mais aussi froid et se trouver dans des endroits sales en s’en plaignant. Je crois me souvenir que Mme Y devait prendre des précautions particulières vis à vis de son voisinage mais je ne me souviens plus de son circuit pour être invisible. C’était très compliqué et moi qui avait une quarantaine d’années malgré tout, je n’ai pas tout compris. Ma présence dans sa vie lui a donné des espoirs que je n’ai pas tenu, si l’on peut dire. C’est à dire qu’elle souhaitait se réorienter pour payer ses impôts car elle recevait des rappels. Les années étant très dures, la TVA à 19 % 60 lui ponctionnait son éventuel bénéfice. Un jour, elle m’appelle et me raconte qu’elle a été violentée par un client habitué, qu’elle a très peur de la suite car elle ne s’était pas laissée faire. Mme Y étant un peu âgée se sentait à juste titre vulnérable. Cette femme fumait énormément et elle disait avoir grossi. Mme Y n’a jamais voulu me rencontrer ce qui a altéré mes réponses et mes impacts mais j’acceptais ses interventions. Il faut préciser qu’elle n’abusait pas de l’écoute qui au début fut une prestation d’orientation.

Cette dame disait vouloir se garantir des coups parce qu’il ne fallait pas que son fils sache et elle cachait son fils car les hommes l’auraient menacée. Elle ne parlait pas de son activité directement sauf de très rares fois pour dire qu’il y avait des trucs spéciaux que même elle n’appréciait pas. Elle n’avait pas une mauvaise image d’elle et elle en avait une. L’ambivalence régnait. Seulement, elle affirmait avoir « choisi » son travail et qu’elle ne regrettait rien. En réalité, Mme Y se mettait à tourner sur sa vie sans rien en dire car elle prétendait qu’il n’y avait rien dedans. Cela me mettait mal à l’aise car on a toujours un ressenti pour quelqu’un ou une opinion sur un sujet ou un autre. La seule chose qu’elle me disait était que je lui faisais du bien, qu’elle aimait mon contact que cela lui donnait un peu de réconfort. La démagogie ne semblait pas être le centre des propos. Puis je n’eus plus de nouvelles.

• Si oui, en quoi cela vous paraît-il dérangeant ? L’évolution d’une personne qui livre son corps comme un moyen pour survivre m’est apparu assez chaotique si je me réfère à cette dame dont l’âge lui donnait parfois, un recul, un sursaut qui relativisait. Il y avait chez elle un « jour le jour » qu’elle entretenait d’après moi ou bien elle ne connaissait rien d’autre. Connaître signifiant qu’elle ne pouvait pas se réaliser d’une autre manière même si elle constatait des exemples différents autour d’elle. Mais aussi, je n’ai pas « trouvé » cette femme dans son être. Elle semblait absente. Présente mais absente, vide. Ce qui contredit aussi, sa recherche d’aide et d’écoute.

En quoi est-ce dérangeant de ne pas être propriétaire de son corps ? Les conditions de vie depuis l’origine, les circonstances qu’elles ont engagées et la disproportion du problème ont-elles empêché cette femme de sortir de l’endroit où elle se trouvait ? La position de victime était inéluctable et surtout, assez irréversible. Tout y était l’économie (Baisse de CA, TVA), la famille (fils de quel père ?), la société (les clients), la culture, les apprentissages, les habitudes et même les émotions. Pour sortir de sa condition, Mme Y aurait dû accomplir ce que personne ou si peu arrive à réaliser. Mais ce qui a finalisé son impossibilité à se défendre, a été la souffrance première, celle qui lui a dit de se prostituer. Car rappelons-le dans ce cas, la dame prétendait l’avoir consenti, voulu de sa volonté consciente. Comment ne pas être enfermée sur soi-même lorsque toute une société est contre soi ? Comment ne pas valider définitivement ce circuit dans ses conditions ? Et comment ne pas vivre une fracture entre soi et la société ? Ici, le seul lien avec le collectif a été le fils mais dans la honte et le mensonge.

Pour en revenir à la propriété de son corps, Mme Y prétendait en être maître mais était-ce vrai ? Il semble bien que parfois oui et parfois non. Elle devait se défendre pour le rester en tout cas. Ce qui n’est pas le cas pour tout un chacun, nous n’y pensons même pas, le corps est l’abri de l’esprit et rien d’autre. Ce qui vient à tenter de comprendre que Mme Y, n’ayant pas fait d’études, se sent ici, en perte sans le dire directement. A soixante ans et plus, elle répétait ne pas avoir fait d’études presque tous les jours. Y aurait-il eu une faveur à ce que l’esprit ne soit pas hébergé ? Il m’apparaît avoir favorisé à un moment, la séparation entre les deux pôles corps/esprit. Si la violence existait dans l’enfance, il est clair que la séparation entre les deux a eu lieu. Lorsqu’un enfant souffre, il se réfugie dans ses pensées. Sur ce point, j’ai oublié alors que cette dame avait fini par me parler de son père mais pas de sa mère.

Ai-je fait office de rupture entre le vécu et la situation pour ne pas laisser un héritage ?

Je me suis également dit que tout cela méritait d’être entendu et de prendre des leçons, de conclure pour ne pas refaire pareil. La prostitution est un fait de sociétés depuis leurs organisations, il n’est pas question de ne pas y regarder de plus près les acteurs et de les laisser se débrouiller en condamnant toutes les parties ou une, plus qu’une autre. Le « dérangement » que je pourrai éventuellement en avoir, est que je sais comment vivre une sexualité épanouissante, même si elle n’est pas constante ou revendicatrice de régularité, d’exploits ou autres. Elle n’est pas non plus cachée, elle est intime. Alors, je me dis tout simplement que la prostitution, qui consiste à vendre son corps, est un registre d’absence et de non appartenance à soi car on ne savoure pas ce qui est à soi, c’est vendu. Mais y a-t-il plaisir et jouissance lorsque l’on se prostitue ? Mme Y n’a jamais approuvé lorsque je lui demandais. En général, elle détournait sur un autre sujet et généralement aussi, elle parlait soi de son fils, soit d’un client. Si je dois conclure pour le cas de Mme Y, je pense qu’elle était une locataire de son corps et qu’elle ne payait jamais ses loyers, depuis très longtemps. Pourquoi ? La souffrance réfugie le corps d’un côté et l’esprit de l’autre… Mme Y se défendait tout le temps entre ces deux tendances et elle le savait puisqu’elle cachait son activité. Donc, elle était bien que locataire et non propriétaire. La honte était sur elle, ce qui me fait écrire que le véritable choix n’a pas existé. Être seule au monde enlève la propriété du corps la plupart du temps, on se réfugie dans ses pensées et elles sont affaiblies.

• Selon vous, la prostitution est-elle une instrumentalisation du corps humain ? Oui, nous sommes dans la consommation d’un corps chosifié.

• De plus en plus de jeunes, parfois mineurs se prostituent (de gré ou de force on en dénombre 6000 à 8000). Que faudrait-il mettre en place pour contrer cela ? Les outils de réponses sont connus et présentés aux populations en France. Il manque la notion de partage et d’indulgence ou encore celle de protection des plus jeunes ou celle dit des plus faibles. La société en général, reste tendue sur deux attitudes contradictoires : accuser ou aider. Quand on accuse, c’est parfois plus facile car on délègue sur celui qui aide et, l’on organise ensuite dans la caste des « désintéressés ». Ici, j’évoque le désintéressement financier car on implique le sauvetage à la gratuité, en France. Comme si les sauveteurs n’avaient que le droit d’être des saints (excusez cette analogie religieuse qui elle aussi peut ouvrir des débats interminables) et qu’il ne reste que la possibilité de se « sacrifier » pour cela. Étrange raisonnement qui tend à trouver de meilleures solutions, parfois, en professionnalisant ou en structurant par l’associatif. Ces derniers n’ont pas vocation à tout résoudre non plus, il y va d’une attitude collective commune et attentive à ne pas permettre ce que l’on ne voudrait pas vivre soi-même. Les adultes ont une responsabilité et ils doivent la protection des plus jeunes et non, le jugement sans jugement.

Le gouvernement devrait-il s’impliquer davantage ? Le (les) gouvernement(s) s’implique(ent) dans l’éducation, la prévention, la santé, l’information pour ce qui est de l’Europe et de la France. Les soignants le savent parfaitement, il y a l’inertie et le manque d’applications qui entre en ligne de compte. • Quatre-vingt-dix pour-cent des prostitués sont d’origine étrangère. Comment expliquez-vous cela ? Je me l’explique par le manque d’intégration, par la proportion, dans ce groupe, de sans papier, de chômage, le manque de pratique de la langue. Tous ces facteurs favorisent d’autant que dans les pays initiaux, les personnes sont défavorisées, en général. C’est ce que l’on en dit un peu partout et cela me semble une partie des facteurs réels.

• Quatre-vingt-cinq pour-cent des prostituées sont des femmes. Pour vous, cela illustre t-il une nouvelle inégalité hommes/femmes ? Je ne demande pas aux hommes de se prostituer pour être en égalité, en tout cas, soyons ferme. Mais aussi, la notion d’égalité h/f me trouble un peu, la liberté des femmes aussi. Cela étant, je traduis que si certains hommes s’énervent sur la liberté des femmes, c’est qu’ils reconnaissent dans le même temps qu’ils la leur prennent. Tant qu’à la notion d’égalité, je lui préfère la notion d’équité. Être équitable selon les différences et les besoins est assez joli à prévoir. Revenons aux chiffres désolants de prostitution féminine majoritaire, on y a compris une configuration des corps, les hommes ayant des prérogatives physiques prioritaires… J’ai réfléchi près de 40 années sur ce sujet et je démissionne sur la compréhension. Comment peut-on assujettir un être humain parce qu’on aurait des « pulsions » à garantir ? Navrée si je n’ai pas que des amis mais ici, je sollicite une explication parfaite, une explication qui ne verse pas dans la cruauté.

Donc, je conclue que les femmes sont plus souvent victimes que les hommes car les plus forts physiquement usent de leur force pour dominer.

Prenons l’exemple des parents qui maltraitent leurs enfants, en général, on ne conteste pas cela dans nos sociétés… Pour les femmes, ce n’est pas pareil, elles ont voulu leur indépendance… Les enfants aussi prendront leur indépendance… Pour les femmes, se justifierait-il une tutelle, alors ? Personnellement, je me sens très capable dans le travail, dans la société, la famille comme dans la décision mais aussi, dans le partage et même dans l’exécution d’un ordre. J’avoue qu’il m’arrive de constater que l’on ne me le demande pas souvent. Ne pensez pas que ce n’est pas réel car vous seriez justement en train de consentir que je n’ai pas droit aux décisions autonomes (et non arbitraires ou autoritaristes ou masculinisantes).

La prostitution, pour moi, ôte la décision, l’autonomie et le respect. Et allez chercher que les prostitués sont des guerriers qui canalisent le viol, me fait sincèrement peur sur l’étendue du travail d’informations qui reste à réaliser.

La prostitution est un sujet qui permet de dire que les femmes sont consentes. Prouvons l’endroit du consentement dans la prostitution des hommes comme des femmes et après, nous pourrons affirmer.

• La société a-t-elle (plus ou moins) sa part de responsabilité du fait du fleurissement du marché de la prostitution ? Oui, la société est toujours responsable autant de ses défauts que de ses qualités. C’est plus facile d’être justes lorsqu’on reconnaît cela. Nous exerçons un devoir citoyen de choix.

• L’idée d’éthique est elle compatible, d’après vous, avec la prostitution (si oui, sous quelles contraintes) ? Je ne vois aucune compatibilité avec l’éthique. S’il s’agit de la lutte contre le viol (encore) qui se justifierait ici, il faut absolument se mettre à chercher un grand nombre d’autres solutions pour que nos enfants ne risquent pas la prostitution, ni le viol. Cette menace ne concerne pas que les autres bien que se soit peut-être aussi, pour cela que l’on recrute des étrangers pour cette activité.

• Dans certains pays la prostitution est autorisée. Faudrait- il faire de même en France, et plus généralement à l’échelle mondiale ? Cette question m’est difficile car pénaliser est répressif. Faut-il du répressif, ici ? Par contre, poser une autorisation… Le juste milieu impose des moyens que l’on n’a pas. Les pays, où la prostitution est autorisée, n’ont pas relevé de solutions durables. Il y a des phénomènes d’amélioration puis de détérioration et ainsi de suite. Une autre analogie comprend que l’on est obligé d’instruire toutes les générations, la lutte contre la prostitution se pratique dans cet esprit-là. On parle de perpétuel recommencement. Arrivera-t-on à éradiquer ce phénomène ? Je n’ai pas la réponse. Celle que j’ai tiens dans la préservation et l’amélioration pour conduire à un bonheur minimal. Si l’on atteint un bonheur c’est que l’on est synchrone entre le vécu et soi-même. Cela demande des abandons, des conquêtes et des choix.


Un grand merci, Sylvie Briére pour avoir répondu à nos questions, sur un sujet où vous avez été la seule à répondre favorablement de notre requête.

J.C. élève

VOS ADHÉSIONS ET DE VOS DONS sont les bienvenus.

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