Le diabète, les soins et l’hôpital

Des décisions tardives et des soins très lourds

Les décisions de soins tardives entraînent assez souvent un alourdissement des protocoles. L’hospitalisation devient obligatoire, en espérant que la situation soit rattrapable. Le diabète est une maladie extrêmement sourde durant de nombreuses années. Son contrôle est simple et facile, peu coûteux.

Le diabète et l’hôpital

ou L’hospitalisation de Roger

1re partie : Quand le diabète devient un handicap

Roger : Cette semaine, je suis tombé sur mon moignon. J’ai réfléchi au nombre de fois où cela m’est arrivé. Ma prothèse était mal enclenchée et lorsque je me suis levé, je me suis retrouvé sur une seule jambe, le déséquilibre m’a fait chuté. La seule solution est de se relever rapidement.

S.B. : Comment êtes-vous tombé ?

Roger : Sur les fesses, il est rare que je tombe sur le dos ou de côté. A

S.B. : Comment avez-vous pris la décision de votre hospitalisation ?

Roger : En premier, je pensais pouvoir me soigner et me guérir moi-même avec quelques médicaments.

Malgré tout, j’avais passé une nuit assez atroce car je souffrais également d’une embolie gazeuse. Alors au réveil, j’ai décidé de partir aux urgences. Je suis arrivé vers 13 h et lorsque les médecins m’ont vu, il y a eu un sacré remue-ménage car je suis venu en voiture et non par ambulance. J’ai été dirigé vers un box avec une attente jusqu’à la fin de la journée. Des internes sont passés pour m’examiner et certains ont même souhaité me prendre en photo car mon état était rare.

S.B. : Quel fut le temps de propagation de votre infection ?

Roger : Cela m’est difficile à évaluer mais sur que ce fut rapide, de l’ordre de quinze jours à trois semaines. Au début, j’ai pratiqué de l’automédication en mettant de la Bétadine avec un pansement. Comme cela ne passait pas, j’ai ajouté quelques antibiotiques qui restaient chez moi, sans effet.

S.B. : Et votre dame ne s’est rendu compte de rien ?

Roger : Ma compagne ayant des horaires contrariés et moi-même, travaillant en cuisine, je dormais dans une chambre séparée et je n’ai rien dit, rien montré ou si peu. Mes filles m’avaient recommandé d’aller chez le docteur et je leur avais répondu que cela allait passer.

S.B. : Et votre souffrance ?

Roger : Non, suite à un accident de travail, mon pied était insensible et je ne sentais rien. A l’hôpital après le passage de l’interne, sont venus l’infectiologue, le diabétologue. L’un a demandé une intervention le lendemain matin puis un autre déclara qu’il fallait opérer le soir même. Au final, ils posèrent des drains pour évacuer l’infection et ils me firent l’interdiction totale de poser un pied au sol.

Je me suis dit qu’avec les médicaments tout cela était en soi assez banal et que sous une semaine, je serais à la maison. Mais le lendemain matin, les médecins revinrent dans la chambre et je dû prendre des antibiotiques. Un des médecins m’expliqua qu’au pire, il faudrait gratter l’orteil afin de vérifier si l’os n’était pas atteins. Si tel était le cas, on me dit qu’il faudrait couper l’orteil.

Au final, une semaine s’écoule avec le traitement antibiotique et sans aucune, absolument aucune marche. Après ce laps de temps, sept ou huit médecins, internes et infirmières reviennent dans la chambre et un chirurgien déclare : « aucun problème, ça fera une amputation. ». Les médecins autour, un peu inquiets du langage direct, interviennent : « Ne vous alarmez pas, ici on ne coupera pas, on va vous soigner… ». Pourtant trois jours après, on me confirmera l’amputation car les antibiotiques n’ont pas été assez efficaces et ils ne souhaitaient pas prendre le risque d’une infection au-delà de la cheville parce que l’amputation serait au-dessus du genou. La notion de choix m’apparaît un peu limitée.

S.B. : Ce sont les médecins qui maîtrisent le mieux, non ?

Roger : Oui mais le choix s’établit dès le départ.

S.B. : Comment avez-vous reçu la prise de décision du chirurgien ?

Roger : Comme une claque en plein visage, ils étaient tous dans la chambre autour de moi et cet homme a annoncé l’amputation comme s’il sortait une tarte d’un four !

S.B. : Oui en effet, pour descendre au bloc opératoire, il vous fallait un bon état d’esprit.

Roger : J’ai pris sur moi en me convainquant que j’avais fait une grave erreur en ne me soignant pas. Il faut assumer. Ce qui m’avait un peu encouragé à penser à une guérison, fut le nombre d’examens et les soins, j’avais cru que j’étais sorti d’affaire. Il faut dire que c’était ma première hospitalisation et je n’avais aucun repère dans cette situation. Personne ne m’a informé de la tournure, à aucun moment au cours des examens. En 48 h, je suis passé de l’état de valide à celui d’amputé.

S.B. : Comment vous a-t-on préparé pour vous rendre au bloc opératoire ?

Roger : Une infirmière m’a dit que je descendais à telle heure sans plus. J’ai été apprêté et lorsque je suis arrivé sur les lieux j’ai dû attendre, sans savoir. Ensuite, je me suis réveillé sans trop de douleur grâce à l’anesthésie et heureusement, car en voyant mon gros pansement et le moignon, cela m’a beaucoup perturbé. Mon idée était que l’on me couperait le pied et non en dessous du genou, je n’avais pas intégré. Une fois de retour dans la chambre, la douleur s’est manifestée et elle fut de très haut niveau.

S.B. : Le poids a-t-il été surprenant et contrariant ?

Roger : Oui, la différence entre les deux jambes n’est pas une sensation agréable et, il me fallait ne pas brutaliser mes mouvements car il y avait aussi cette terrible douleur. Se retrouver avec une jambe qui se soulève vite, ne donne pas une bonne impression.

S.B. : A quel niveau avez-vous situé votre douleur dans les jours qui suivirent l’intervention ?

Roger : Ils m’ont dit de 1 à 10 et j’ai répondu 21. Insupportable ! Une simple goutte d’eau dessus et je bondissais dans mon lit, les drogues ne faisaient pratiquement pas d’effet.

S.B. : Oui, c’était l’impression que vous en aviez.

Roger : La première nuit fut intenable, même avec le cerceau pour éviter le contact du drap. Les positions de sommeil restaient absolument insupportables. Je me sentais épuisé, sous l’effet désagréable d’un après anesthésie, j’étais mal par la souffrance et la fatigue. Un mal-être s’installe sous l’effet des drogues, j’avais l’impression que mon lit se baladait dans les couloirs. L’épuisement me prenant, j’étais dans un état second et cette impression incroyable de lit qui voyage dans les couloirs reste dans ma mémoire.

S.B. : Comment avez-vous vécu la chute de la douleur ?

Roger : J’ai pensé à un soulagement et les drogues y participaient.

S.B. : La récupération de votre retour de bloc a été rapide, vous évoquez deux jours.

Roger : Cela est dû à mon entourage, tout le monde est venu me soutenir et ils ont été très présents et attentifs. Grâce aux attentions, je ne me suis pas laissé aller, j’ai trouvé la volonté de poursuivre ce combat. Je n’ai pas eu le temps de pleurer sur moi-même. Bon parfois, il m’arrivait d’être fatigué par les coups de fil et les questions mais franchement, ils ont été formidables.

S.B. : Comment avez-vous gérer votre manque d’habitude de l’hôpital ?

Roger : Un véritable enfer car les premiers huit jours, je n’ai pas pu poser un pied sur le sol, c’est peu supportable. Le lit absolu et donc, tout devait être fait à partir de ma position allongée. Je demandais tout. Il me fallait attendre. Dès que la cicatrisation fut complète, les fils furent enlevés ainsi que la perfusion et je pus me rendre en rééducation. Un matin, le docteur passe me voir pour m’annoncer ma mise en fauteuil roulant. Il ne faut pas croire que cette étape m’ait soulagé. C’est un véritable calvaire de se servir d’un fauteuil roulant pour la première fois. Et à partir de ce moment-là, mon seul objectif a été de marcher.

S.B. : Donc vous aviez des séances de rééducation via un kinésithérapeute de l’hôpital ?

Roger : La kiné prend sa main pour taper le moignon en commentant : « Il va falloir tanner un peu comme la peau de votre talon ». Et l’exercice fut repris autant qu’il a fallu pour me faire sortir rapidement de l’hôpital. J’ai fait quatre heures et plus de kinésithérapie et de sport par jour. Un grand changement pour moi et la kiné m’imposa l’idée de devoir réapprendre à marcher. Elle avait raison, j’ai eu le sentiment d’avoir deux ou trois ans et de devoir réapprendre tout. Ma jambe droite ne suivait plus.

S.B. : Combien de temps vous a-t-il fallu pour réintégrer la marche ?

Roger : Pas plus d’une demi journée mais avec un suivi le lendemain. Dix jours passent et je fus appareillé par une prothèse. Entrer un moignon dans une prothèse n’est pas ordinaire, la douleur du départ est forte.

S.B. : Vous accompagnait-on dans cette étape ?

Roger : Oui, l’équipe de rééducation écoutait mes demandes et elle attendait si besoin était. Il y a eu une période d’ajustements avec des essais.

S.B. : Ce nouvel appareillage devait-être contraignant, il est logique que l’on vous ait demandé des paliers.

Roger : Malgré tout en un mois, tout a été bouclé et j’ai repris le travail. Alors lorsqu’ils m’ont annoncé qu’il me faudrait des béquilles plus la prothèse, je me suis un peu impatienté. Lorsqu’ils m’ont appris qu’il fallait que je pense à quitter le fauteuil, je n’ai pas attendu. J’ai dû dans le même temps faire un autre apprentissage de marche avec la prothèse et trouver l’équilibre. Les sensations sont nouvelles et on ne marche pas droit de suite. Il y a une forte contrainte au départ.

S.B. : Ce qui me semble incroyable dans votre récit, c’est qu’en plus de reprendre rapidement le travail, vous saviez que vous seriez en station debout toute la journée pour l’effectuer.

Roger : Oui, absolument. J’ai rendu visite à la médecine du travail dont le médecin s’étonnait de ma reprise mais je ne pouvais pas me dispenser. Alors, on m’a répondu que cela compliquait un peu les choses, j’ai négocié un mois d’essai. Je reprends mon travail en demandant quelques aménagements pour les accès comme les réserves et les escaliers mais, sans plus. La première journée fut un peu anxieuse sur l’état du sol et des risques de glissades.

S.B. : Aviez-vous une fatigabilité importante ?

Roger : Non, je ne peux pas le dire vraiment, le pli est revenu rapidement et j’avais envisagé un mi-temps thérapeutique au cas où la fatigue aurait été trop forte. Sur le terrain, il y eut une différence car le diabète se fixait sur ma vue, j’ai dû cesser ma profession de cuisinier. Je me suis mis en maladie et la reconnaissance de handicap me fut attribuée.

S.B. : Comment avez-vous abordé cette nouvelle étape ?

Roger : Restant à la maison, j’ai repris mes activités associatives.

Mai 2010 à ce jour, Informations Solidarité Conseils

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