Partage de mon expérience de psychomotricienne au sein du SAFEP
Introduction
Pendant plus de 15 ans, j’ai exercé en tant que psychomotricienne au S.A.F.E.P. auprès de jeunes enfants déficients visuels âgés de 0 à 5 ans, à domicile. Je pouvais également intervenir, en plus, sur les lieux d’accueil de l’enfant (crèche, nounou, école maternelle).
L’enfant dans mon métier
Les acquisitions de la petite enfance conditionnent l’évolution future de l’enfant. C’est donc un éveil psychomoteur ayant pour finalité d’aider l’enfant et sa famille. Il s’agit de proposer à l’enfant des expériences multiples et de le guider sans faire à sa place.
La prise en charge doit tenir compte de l’évolution physiologique mais aussi psychologique propre à l’enfant. Les difficultés rencontrées par l’enfant sont liées au déficit lui-même et aux conséquences psychologiques que crée la survenue du handicap dans une famille.
Le bébé aveugle doit être considéré comme un bébé ayant les mêmes goûts et les mêmes désirs qu’un bébé voyant, ce qui ne veut pas dire nier le handicap mais l’accepter comme faisant partie de la personne.
Il est important de prendre le bébé dans les bras, de jouer avec lui et lui apporter toutes sortes de stimulations, sinon l’enfant a tendance à rester en retrait. Attention cependant à la sur stimulation qui abreuve l’enfant de tant d’informations qu’il ne peut les gérer.
– Mettre un portique au dessus du berceau fait que quand l’enfant est sur le dos, il commence à rencontrer par hasard les jeux avec les pieds puis peu à peu, il va y avoir une recherche volontaire.
– Il est recommandé de mettre à portée de main le maximum d’objets que l’enfant manipule et explore. Cette évolution manipulatoire entraîne une meilleure préhension et cela apprend peu à peu à l’enfant à situer son corps dans l’espace.
– Faire des jeux de localisation sonore en variant les bruits et en les faisant se déplacer pour que l’enfant mette en place les schèmes moteurs pour aller vers le son par la rotation de la tête, les mouvements des mains vers la source sonore et la mobilisation de tout le corps.
Les parents
Les parents attendent souvent beaucoup de la prise en charge et pensent que l’on ne travaille qu’avec du matériel spécifique. Ils veulent souvent des progrès rapides et il faut expliquer que l’on ira au rythme de l’enfant, que quelquefois, il pourra y avoir des paliers, ou alors faire prendre conscience des troubles associés qui pourront entraîner des limites (pour se rassurer, parfois, le manque d’évolution est mis sur le compte de la déficience visuelle alors que c’est le trouble associé qui empêche les acquisitions).
Les accessoires
Au début, j’utilise beaucoup les jouets de l’enfant mais les jouets apportés peuvent être :
– des balles sonores,
– des balles de textures différentes,
– des balles de préhension facile,
– des briques,
– des cerceaux,
– le tunnel,
– plots et poutres,
– escaliers en mousse,
– gros ballon,
– porteur,
– tricycle,
– locopousse pour l’aide à la marche,
– tapis d’éveil,
– loto tactile…
Le phraser
Au niveau du vocabulaire, être précis et rassurant sans employer le mot attention.
Lors des premières séances, le but est de rencontrer l’enfant et la famille dans la relation pour que se mette en place une relation de confiance.
Étant donné le jeune âge des enfants, il ne s’agit pas de faire un bilan psychomoteur mais plutôt une observation de la motricité spontanée et des conduites motrices ainsi que du contrôle tonique.
Le bouger
Avec les tout-petits, on essaie d’inciter l’enfant à bouger sans jamais contraindre car il faut aider l’enfant à le mettre à l’aise dans son corps.
– beaucoup de toucher,
– jeux corporels,
– portage,
– hochets pour la préhension,
– rouler-bouler pour la préparation au ramper,
– gros ballon pour la mise en place des réflexes d’équilibration.
La séance se passe à hauteur de l’enfant donc souvent par terre mais il faut verbaliser sur ce que l’on va faire. Laisser le temps à l’enfant de se familiariser avec un nouveau jouet.
Pour la construction du schéma corporel, si la maman a du mal à toucher son enfant aveugle, beaucoup d’informations vont être absentes pour prendre conscience de son enveloppe corporelle, de son corps dans l’espace et ses limites.
Pour la construction du schéma corporel, on propose :
– pédaler,
– applaudir avec les pieds et les mains,
– amener les pieds vers le haut du corps,
– rouler sur un gros ballon,
– parcours moteur,
– ramper,
– rouler,
– marcher sur diverses textures,
– passer dessus-dessous,
– équilibre,
– sauts…
L’utilisation des autres sens se fait parallèlement (sensibilisation aux bruits de la maison, aux bruits familiers, aux bruits plus lointains, reconnaissance auditive et tactile)
Avant de travailler l’équilibre, on travaille les coordinations : marcher de différentes façons en accompagnant le geste si nécessaire, marcher vers un but comme vers maman ou vers le jouet, rondes, chansons à gestes pour faire différents gestes à divers rythmes pour permettre un dosage et un contrôle tonique favorisant l’équilibre.
Un bon ajustement tonico-postural aux situations de déséquilibre diminue les risques de chutes ou de blocages dans les déplacements.
– On fait varier les positions du corps en déplacement et on fait varier le milieu ( équilibre surélevé, différents terrains, trajets avec des plots de diverses hauteurs, des formes différentes…),
Il faut aborder les chutes et mettre en place les réflexes de protection parles mains en avant (acquisition du parachute),
– ramper sur le dos, en avant, sur le côté…où le corps agit tout entier et est en contact maximal avec le sol pour aller vers des jeux en position plus haute,
– jeux plus statiques avec du mobilier à la taille de l’enfant,
– se mettre à genoux,
– jouer à genoux,
– toboggan avec le gros ballon,
– monter sur une brique,
– escaliers,
– pour se baisser, plier les genoux et ne pas se plier en deux pour éviter les chocs éventuels avec la tête,
– les sauts entraînent souvent une réticence par peur du vide. Au début, on saute avec l’enfant et n lui permet d’évaluer les différentes hauteurs. On insiste sur la réception amortie.
L’espace est problématique pour un enfant qui n’a jamais vu et se le représenter est difficile. Le petit non voyant doit organiser l’espace après l’avoir construit afin de s’y orienter.
La construction de l’espace se fait en utilisant l’audition (notion de distance), le toucher (connaissance des objets de l’environnement), la proprioception (renseignements sur la position du corps et les mouvements).
Il est conseillé de ne pas laisser l’enfant dans l’ignorance de ce qui l’entoure et il faut l’aider à explorer son espace proche afin de repérer les objets qui s’y trouvent et les situer/ corps.
A défaut d’éléments visuels, pour construire l’espace, l’enfant aveugle utilise l’exploration tactilo-motrice mais l’objet est reconstitué à partir de l’appréhension successive des différents éléments qui le composent. On éduque le sens tactile (lotos tactiles, jeux d’encastrement…)
A partir de 2 ans environ, on a pour objectif la connaissance de l’espace immédiat dans lequel l’enfant vit pour qu’il puisse s’y mouvoir avec le maximum d’aisance et aller seul d’un endroit à l’autre (dans divers endroits de la même pièce puis d’une pièce à l’autre), d’abord en l’appelant puis en lui donnant des repères.
Ensuite, on peut aborder l’espace élargi (découverte de pièce, lancers de ballon…)
Faire beaucoup de jeux de rythme.
CONCLUSION
En conclusion, par son action sur la motricité de base, l’éducation psychomotrice précoce apporte une sécurisation indispensable à l’autonomie.
Elle apprend à l’enfant à devenir responsable de sa motricité, à utiliser au maximum ses autres sens. Elle met l’enfant en présence de situations variées ce qui l’amène à faire de nombreuses expériences et emmagasiner le maximum d’informations. Si l’enfant n’est pas curieux de ce qui l’entoure, il faut susciter cette curiosité constructive.
Elle incite l’enfant à progresser dans ses conduites motrices et perceptivo-motrices ce qui aboutit à une meilleure adaptation au monde environnant.
Dominique BOULIER, Psychomotricienne Instructrice de locomotion.